La genèse des Habitations des Ateliers verts est une histoire de lutte. Elle est née d’un militantisme acharné de la part de plusieurs résident-es de La Petite-Patrie ayant, à chaque étape de ce beau projet, le bien commun en tête. Nous tenterons de dresser un portrait de la trame historique qui s’est jouée sur plus de 25 ans et qui a abouti à la mise sur pied de 150 logements sociaux sur le site des Ateliers municipaux, dont plusieurs personnes peuvent bénéficier aujourd’hui.
Au début des années 1980, s’ébruite la rumeur du déménagement des Ateliers municipaux, qui occupaient le lieu où se trouvent aujourd’hui les Habitations des Ateliers verts et la coopérative du Coteau vert. Ce départ laisserait vacant un immense terrain qui appartient déjà à la ville de Montréal. Dyane Courchesne, du Comité logement de La Petite-Patrie, présidente de la Table de concertation logement/aménagement de La Petite-Patrie, commence à réclamer à l’administration montréalaise d’utiliser ce terrain pour construire 100 % de logements sociaux pour les résidents-es du quartier. La Petite-Patrie était, à cette époque, un quartier qui n’en possédait que trop peu et les terrains publics disponibles étaient rares. Commence alors une bataille acharnée qui mènera à la construction d’un projet rêvé par des personnes impliquées au sein de leur communauté.
En 1985, la Table de concertation logement/aménagement de La Petite-Patrie, composée de représentant-es d'organismes du quartier, est mise sur pied et réclame 1000 logements sociaux pour répondre aux besoins de sa population. Cette dernière avait pour mission d’identifier et de réaliser des actions en vue d’enrayer les problèmes de détérioration de logement, prioritairement pour la population à faible revenu. La Table logement/aménagement devient le moteur derrière le projet de logements sociaux sur le site des Ateliers municipaux.
Plusieurs des personnes engagées dans ce projet l’ont été pendant plus de 25 ans, sans jamais abandonner, malgré les obstacles et les difficultés. Le but premier était de convaincre la ville d’embarquer dans le projet. La première étape allait donc se dérouler à l’arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie, où la Table logement/aménagement soumettra le projet. Initialement en 1997, la demande portait sur la construction de plus de 300 logements sociaux.
Le cliché voulant que le nerf de la guerre soit l’argent s’applique également pour cette aventure. En fait, il y avait trois obstacles majeurs à surmonter. Premièrement, il fallait attendre le déménagement des Ateliers municipaux, sans quoi rien ne pouvait avancer. Il y eut des possibilités de déménagement à deux reprises, soit en 1993 et en 2001, mais les projets avortèrent. Deuxièmement, et ce fut un obstacle important, il fallait décontaminer le sol, ce qui était très couteux. Et troisièmement, il y avait la question du financement. Sans investissement financier massif, il aurait été impossible de bâtir ces habitations sociales. Il fallait l’intervention de l’État, et en premier lieu, du niveau municipal. Mais jamais les membres de la Table logement/aménagement et les requérant-es de logements sociaux de La Petite-Patrie n’ont baissé les bras.
Plusieurs opérations de mobilisation citoyenne eurent lieu au cours de toutes ces années. Un comité de requérant-es a été mis sur pied par le Comité logement de La Petite-Patrie en 1995. Ce comité était composé de familles et de personnes seules du quartier qui avaient des besoins criants en habitation. L’envoi massif de 1000 cartes postales signées par les résidant-es du quartier aux élu-es, l'occupation de bureaux des élu-es, la tenue d'assemblées publiques, la grande tournée des logements sociaux du quartier, la participation des requérant-es de logements sociaux aux conseils d'arrondissement, des campagnes d’information et de sensibilisation, des marches sur le site, la participation à des débats politiques, le dépôt de mémoires, la maquette interactive des projets sur le site, etc. ne sont que quelques exemples de la mobilisation soutenue de la Table logement/aménagement et des requérant-es de logements sociaux de La Petite-Patrie durant toutes ces années.
En 2002 est créé Un toit pour tous, un organisme sans but lucratif qui avait pour mandat d’aider la Table logement/aménagement à développer différents projets d’habitation sociale dans le quartier. L’OBNL allait donc devenir le bras de développement de la Table logement/aménagement dans le dossier des Ateliers municipaux. En 2004, le comité exécutif de la ville de Montréal prendra enfin la décision de déménager les Ateliers municipaux plus à l’est. Le projet allait maintenant s’accélérer de façon exponentielle. En 2005, un groupe de travail, qui se penchera uniquement sur le futur des Ateliers municipaux, est mis sur pied et, en 2006, une consultation publique débutera (il y en avait eu plusieurs depuis 1985). Le projet prenait forme, mais il fallait être vigilant, car plusieurs promoteurs immobiliers voyaient un potentiel énorme sur ce terrain et voulaient mettre la main dessus pour y construire uniquement des condos.
Le partenariat d’Un toit pour tous, de la Table de concertation logement/aménagement de La Petite-Patrie et du groupe de ressource technique Bâtir son quartier fera en sorte que le projet prendra vie. Le financement du projet proviendra de différentes sources, dont le programme provincial AccèsLogis, la Ville de Montréal, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL), le programme Rénovation Québec, sans oublier une contribution du milieu, dont la Caisse populaire, Hydro-Québec ainsi que Gaz Métro.
C’est finalement en juin 2010 que les premiers locataires, dont plusieurs membres du comité de requérant-es de logements sociaux de la Petite Patrie, purent entrer dans leurs nouveaux logements, obtenus grâce à une mobilisation constante.
Les Habitations des Ateliers verts, c’est un OBNL de 60 logements écologiques, dont plusieurs sont accessibles aux personnes avec handicaps. De concert avec son projet sœur, la coopérative du Coteau vert, un milieu de vie unique est créé.
Il est intéressant de se pencher sur l’histoire des Habitations des Ateliers verts, car il s’agit d’un exemple concret de changements sociaux initiés par des citoyens-nes du milieu, qui se transforment en militants-es, pour ensuite devenir des acteurs et des actrices de progrès social.